Si les grandes douleurs sont muettes, les grandes joies, elles, ne
sauraient se manifester dans la discrétion. Elles sont, souvent, bien
bruyantes. Comme hier, l'ont démontré les populations de Guéléban,
petite commune située dans le département de Minignan, à l'occasion de
l'accueil d'Alassane Ouattara et son épouse Dominique. Le candidat à
l'élection présidentielle du 28 février 2010, en tournée politique sur
la terre de ses ancêtres maternels, a réservé ce jour saint de vendredi
à cette ville, connue pour avoir vu naître Hadja Nabintou Cissé, sa
mère. Souvenirs, hommages et célébration étaient au rendez-vous.
Gbéléban était partagée entre deux sentiments. D'une part, le souvenir
de la disparition de la mère, d'autre part, l'actualité de la désormais
officielle candidature du fils. Mais, il n'y avait pas de place pour la
tristesse, pour cette population croyante qui a confié Hadja Nabintou
Cissé au Seigneur. Gbéléban a beaucoup souffert de la guerre faite à
son fils.
Mais, aujourd'hui, les signes so
nt autres.
Raison
pour laquelle, les habitants de cette modeste sous-préfecture se sont
mobilisés, abandonnant commerces et travaux champêtres pour réserver un
accueil en fanfare à « Nangaman », le fils prodige.
En ces
temps d'harmattan régnant royalement sur le Nord, les populations n'ont
pas voulu s'en laisser conter, face aux au froid, au soleil et à la
poussière. Pour Gbéléban, l'arrivée d'Alassane Ouattara est plus qu'un
symbole.
A l'entrée de la ville, une banderole affichée
annonçait les couleurs, dans le dialecte local : « An dehn tchè, i
djidja. A kana to ila ». (Traduction : notre fils, prends courage.
N'ait pas honte en fin de compte, ndlr). C'est l'expression de tout le
soutien que Gbéléban apporte au combat plus que décennal de son fils
pour la liberté et la démocratie en Côte d'Ivoire. La mobilisation
était totale. L'émotion surtout, était au rendez-vous.
Après les premières maisons dépassées, Alassane Ouattara n'a pas hésité.
Il s'est tenu debout, dans la
trappe supérieure de son véhicule, pour saluer ses parents.
Chants,
danses, grelots et incantations s'entremêlaient comme dans une
symphonie, s'accordant parfaitement avec les gestes de salutation à la
main, faits par Alassane Ouattara.
Il y a, ici, des femmes, de tous âges. Là-bas, des enfants qui applaudissent.
Plus
loin, des adultes en boubous blancs et une troupe de chasseurs
traditionnels, des chants des danses. Le tout dans une procession qui
fend la ville pour s'immobiliser, cinq cent mètres plus loin.
Dame Cissé Aminata, octogénaire, est visiblement ravie. « C'est un
grand jour pour moi. Je me rappelle aux souvenirs de sa mère.
C'était une dame au grand cour », soupire-t-elle, soutenue par sa canne.
Elle a du mal à s'asseoir.
Malgré
le poids de l'âge, Camara Brahima a lui aussi tenu à être présent pour
vivre ce grand jour : « Il y a neuf ans, j'étais là à cette même place
pour accueillir notre fils. Aujourd'hui, j'ai beaucoup vieilli, je suis
malade mais, rien ne pouvait m'empêcher de saluer Alassane.
Il
m'a serré la main. Je suis heureux de le savoir en bonne santé »,
soutient-il, le regard perdu dans l'ambiance d'une journée grandiose
pour la ville qui l'a vu naître il y a 74 années. Alors qu'il a pris
place sous la bâche dressée à la place publique, Alassane Ouattara n'a
cessé d'être assailli par les chants d'hommage qui, bien souvent,
créaient beaucoup de saisissements dans le public. Ici, une dame tombe
en sanglots.
Elle trouve la vigueur, tenant jalousement un
grand poster du président du RDR qu'elle brandit fièrement, de dire «
merci à Allah » pour avoir permis à son frère de résister. Là, Lanciné
Camara, président des cadres de Gbéléban, a de la peine à céder le
micro, devant tout l'éventail d'hommages qu'il a voulu rendre à
l'ancien Premier ministre d'Houphouët-Boigny. Il a dressé le portrait
d'un « homme affable, courtois, humble, discret et simple ». Ce qui lui
fait dire qu'Alassane Ouattara est « le seul capable de sortir la Côte
d'Ivoire de sa léthargie profonde ». Gbéléban a-t-il conclu son
adresse, est « fière de son fils ». Elle l'est d'autant plus
qu'Alassane Ouattara porte en lui un programme de gouvernement
comportant les solutions pour la Côte d'Ivoire. Pour sa part, le fils
célébré, s'est refusé, devant ses parents, le discours politique. Son
tour de parole fut pour lui, l'occasion de rendre hommage à sa
génitrice. « C'est une visite familiale. Vous savez ce qu'on doit à sa
mère.
Tout ce que j'ai eu, je le dois à Hadja Nabintou Cissé. Je suis
fier d'être l'un des vôtres.
Je
suis fier d'être un Cissé et un Ouattara », a-t-il indiqué à
l'assistance. Au-delà, ce fut à tout Gbéléban qu'Alassane Ouattara a
témoigné son respect. « A cause de moi, vous avez beaucoup souffert.
Aujourd'hui, je suis un homme comblé, entouré et affectionné », a-t-il
révélé, la gorge nouée par l'émotion. Alassane Ouattara s'est par la
suite, adonné à un exercice dont il n'a pas l'habitude. Il a présenté,
individuellement, l'ensemble des membres de sa délégation et rendu
publiquement des hommages appuyés à chacun de ses proches
collaborateurs présents, pour leur « loyauté » et leur « fidélité ». «
Quelque chose se prépare dans le parcours politique du président. Il
n'a pas cette habitude. Peut-être, les hommages, il ne veut pas les
faire quand il sera Président de la République. C'est maintenant, au
moment où la lutte est rude, qu'il le fait », confie un des proches.
En
tout cas, pour Alassane Ouattara, la cause est attendue : « S'il plaît
à Dieu, dans deux ou trois mois, votre fils sera Président de la
République », a-t-il affirmé à ses parents, alternant plaisamment
français et malinké chatouillé.
C'est sur des notes d'espoir que le candidat, après avoir passé la
demi-journée sur les terres de Nabintou Cissé, pour des bénédictions
qu'il a reçues à profusion, a dit « au-revoir et à bientôt » à ses
oncles, tantes, cousins et cousines.
Ce samedi il est attendu pour un tout autre exercice. Au stade
d'Odienné, des dizaines de milliers de personnes se retrouvent pour
communier avec lui et entendre les différents pans de son programme de
gouvernement qu'il consacre à la région du Denguélé. 24 heures plus
tard, ADO visitera les populations de Guintéguéla et de Touba. Lundi,
il se retrouvera à Koonan, Ferenteguéla et Ouaninou pour boucler un
périple de huit jours au Nord-Ouest de la Côte d'Ivoire.